La liquidation des ZATOs reportée

23/05/2020

Le ministère de l'économie reporte la liquidation du régime des ZATOs [1]: 

les villes fermées resteront fermées.

Le Ministère de l'économie n'est pas pressé de retirer leur régime spécial de sécurité aux six entités administratives et territoriales fermées relevant du Ministère de la défense et de Rosatom [2]. Comme l'a appris la rédaction de Kommersant, aucune décision finale n'a été prise concernant les projets de décrets présidentiels préconisant l'abolition de ce régime à compter du 1er janvier 2016. Rosatom avance des arguments de sécurité pour s'opposer à l'ouverture des ZATOS tandis que celles-ci craignent de perdre leurs subventions.

Les projets de décrets présidentiels sur l'abolition des six villes fermées, préparés par le ministère de l'Economie à l'automne 2015, n'ont toujours pas été signés. Kommersant a appris que le ministère se limite pour l'instant à «recueillir les propositions des entités constitutives de la Fédération de Russie et des organes exécutifs fédéraux », qu'il « n'a pas présenté son rapport final au gouvernement sur cette question » et que «de ce fait le gouvernement n'a pris aucune décision en la matière."

Comme l'a écrit Kommersant le 30 octobre 2015, les projets de décrets envisageaient de mettre fin à compter du 1er janvier 2016 au régime spécial de sécurité des villes de Zaretchny (Région de Penza), NovoOuralsk (région de Sverdlovsk), Zelenogorsk (région de Krasnoïarsk) et de Seversk (région de Tomsk) relevant de la compétence de Rosatom, et de deux ZATOs relevant de celle du Ministère de la Défense : Zvezda, dans le kraï de Perm, et Lokomotiv dans l'oblast de Tcheliabinsk. La note explicitant l'objet des décrets invitait le ministère de l'économie à « rechercher des économies budgétaires ». [...]

Notre interlocuteur à Rosatom estime que l'ouverture des villes à régime spécial "créera beaucoup de problèmes" de sécurité, entraînera "un afflux de migrants et une augmentation de la criminalité". Sans compter les conséquences socio-économiques d'une telle décision « difficiles à évaluer ». D'après lui, le ministère des Finances alloue près d'un milliard de roubles à chaque ZATO pour l'exécution de leur gestion spéciale. Il y a au total 41 ZATOs dans la Fédération de Russie, dont dix sont subordonnées à Rosatom. "Ouvrir 4 ZATO, c'est permettre au budget de l'Etat d'économiser 4 milliards de roubles. Mais cette ouverture entraîne des modifications dans le périmètre de sécurité et de diverses autres dispositifs de sécurité ainsi que des coûts sociaux, soit entre 2 et 2,5 milliards de roubles », d'après lui.

A la fin de l'année dernière (2015), Rosatom a créé un groupe de travail interministériel chargé d'évaluer les conséquences de l'ouverture d'une ZATO, comme l'avait indiqué le Directeur de la protection des équipements de Rosatom, Serguei Kolesnikov, lors d'une intervention devant la Chambre Civique de la Fédération de Russie, le 23 décembre dernier. Les représentants du ministère de l'Economie n'en font pas partie.

Les ZATOs sont régies par une législation spéciale qui établit un régime particulier de sécurité et des restrictions en matière d'activité économique et de propriété, notamment foncière. Elle confère aux autorités locales des compétences élargies et attribue aux villes concernées un financement budgétaire spécial. De ce fait, les ZATOs ne peuvent pas compter sur le prélèvement d'impôts sur les entreprises pour leur développement mais sont habituées à une existence confortable aux frais de l'Etat.

Dès l'automne dernier, de nombreux responsables de régions sur le territoire desquels se trouvent des ZATOs s'étaient opposés au projet. Le gouverneur de Tomsk avait qualifié d' "irréfléchie " l'idée d'ouvrir Seversk, la plus grande ZATO de Russie, avec une population forte de 120 000 habitants. Il convenait, d'après lui, de « prendre en compte les intérêts de la région, de ses habitants ainsi que de l'entreprise autour de laquelle la ville s'était constituée- le combinat chimique géré par Rosatom- et d'assurer au préalable la sécurité des centrales nucléaires de la ZATO ».

Les dirigeants des ZATOs font valoir que les projets du ministère de l'économie enfreignent la législation en vigueur. Le président de NovoOuralsk, Vladimir Mashkov, avait suggéré de commencer par "résoudre les problèmes de sécurité des installations nucléaires et de mise en œuvre des programmes sociaux". Celui de Lokomotiv , Vladimir Moiseenko, avait fait valoir au correspondant de Kommersant que « réorganisation ou suppression, la loi devrait prévoir une période de transition, ainsi que l'apaisement des inquiétudes des citoyens par le biais de consultations publiques. » La maire de Zvezda, Irina Obodova, s'était exprimé dans le même sens en faisant valoir que « la complexité de la période de transition commandait de bien identifier au préalable l'impact financier, social et technique de la mesure de même que les nombreux risques qu'elle faisait peser sur la ville. Or, ce travail n'a pas été mené.» De son côté, le président de Zelenogorsk, Pavel Kortchachkine, avait fait valoir à Kommersant que "les changements attendus créeront de sérieuses tensions sociales" et que « les nombreux retraités de l'industrie nucléaire de la région perçoivent l'ouverture de ces villes comme une trahison de la part de l'Etat, une trahison qui les privera de leur mode de vie habituel et des acquis de leur statut » . Quant au maire de Zaretchny, Vyatcheslav Gladkov, il s'inquiétait du risque de voir partir de nombreux «spécialistes de haut niveau des entreprises nucléaires» :

- " Beaucoup se voient offrir un emploi et des salaires de 100 à 120 000 roubles. Ici, ils sont prêts à toucher 30-32 000 roubles pour vivre dans une ville sûre, bien équipée et bénéficiant d'un régime social privilégié grâce aux dotations budgétaires. Vous ne pouvez pas imposer des projets révolutionnaires à des personnes, des vétérans qui ont contribué ces cinquante dernières années à mettre sur pied l'armement nucléaire de notre pays , surtout dans les conditions actuelles ".

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[1] NdT: Entités Territoriales Administratives Fermées, pour : закрытые административно-территориальные образования.

[2] NdT: Agence fédérale de l'énergie atomique.

Auteur: Natalia Gorodietskaya.

Traduit du russe par Jonathan Favorel.

Source: « Закрытые города не открываются ».

Publié dans Komersant le 13 janvier 2016.

Source Photo: Komersant

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