Sans pharmacies ni magasins

Sans pharmacies ni magasins - ou comment survivent les villages de Sakhaline face à la pénurie de transports.

Les maisons du village d'Aïnsk sont classées comme insalubres et dangereuses depuis trois ans, mais leurs habitants ne seront relogés qu'en 2020.

La maigre population de ce village de la région de Tomari, qui loge dans des maisons délabrées ,espère être relogée le plus tôt possible. Mais, malgré les promesses qui lui sont régulièrement faites, ce n'est que dans son imaginaire qu'elle voit des transports en commun réguliers, des magasins et autres infrastructures urbaines.

Le lendemain du jour du versement des allocations de retraite est un jour spécial pour les habitants d'Aïnsk. Une fois par mois, ils ont la chance de se rendre à Krasnogorsk et de faire leurs provisions. Le directeur du magasin se montre bienveillant à leur égard. Il a mis à leur disposition un bus gratuit. Les retraités dépensent la moitié de leur pension dans l'achat de produits de consommation courante et, pendant que certains font encore la queue au magasin, les autres se précipitent à la pharmacie. C'est que la pharmacie et les magasins ont déserté leur village natal.

« Nous mangeons du pain frais une fois par mois, si nous n'avons personne pour le commander. Quand les chauffeurs routiers passent à côté de notre village, on leur commande du pain. Et c'est comme ça qu'on survit - on les supplie presque pour l'amour du Christ de nous amener du pain » - raconte Raissa Savkina, une habitante d'Aïnsk.

Lorsqu'il n'y a plus d'argent, et lorsque les sacs sont remplis, la promenade est finie pour les villageois. Le village d'Aïnsk se situe à 20 km de Krasnogorsk. Pour se rendre à la ville la plus proche, il faut soit prendre le taxi, ce qui coûte 300 roubles pour l'aller et autant pour le retour, ou le bus qui fait le trajet d'Ouglegorsk à Yujno-Sakhalinsk. Mais il ne s'arrête pas toujours, faute de places disponibles. Une autre option - l'auto-stop, mais ce n'est pas toujours pratique pour les personnes âgées.

Avant les années 90, l'industrie de la transformation du bois prospérait dans la région. Après la « Perestroïka » l'entreprise a été fermée. Aujourd'hui, 14 personnes vivent dans ce village composé de 6 maisons avec des toilettes à l'extérieur. Il n'y a aucune infrastructure là-bas, même pas un petit centre médical, celui-ci a été fermé en 2009. Le médecin généraliste vient une fois par mois. Les jeunes ont quittés Aïnsk car ils ne trouvent pas de travail.

La famille manque aux personnes âgées, mais ils comprennent qu'on ne peut pas s'en sortir ici.

« Nous avons plusieurs fois demandé qu'on nous installe au moins un lampadaire, parce qu'il y en a pas. On ne voit rien quand on sort dehors la nuit. Une fois, j'étais dans le bus au départ de Yujno-Sakhalinsk et le chauffeur n'a pas vu le panneau dans le noir et a continué le trajet sans s'arrêter. J'ai été obligée de lui demander de faire demi-tour, cela n'a pas plu aux autres passagers. » - raconte Natalia Koziakova.

Depuis 2013, les habitations sont considérées comme insalubres et promises à la démolition. Les habitants du village quittent par eux-mêmes leurs maisons délabrées et déménagent dans des maisons inoccupées à proximité qui sont encore habitables. Ils peinent à retenir leurs larmes en parlant de leur existence.

« Notre maison est insalubre, nous habitons maintenant dans l'appartement de notre fils... On prie qu'on nous entende, que quelqu'un vienne nous aider. Qu'ils viennent voir comment on vit. Mais les représentants de l'administration ne viennent jamais jusqu'ici, ils passent à côté. » - dit Irina Krasnoborodko.

Les habitants d'Aïnsk ont envoyé plusieurs demandes à l'Administration de Tomari. Ils reçoivent des réponses absurdes. Ils ont demandé qu'on leur organise un petit marché local au moins une fois par mois. Voici le type de réponse qu'une des habitantes a reçue :

« Nous demandons votre coopération pour mettre en place la commercialisation de divers produits dans votre village, c'est-à-dire de créer une entreprise de commercialisation de ces produits ». Le problème est qu'il n'y a personne pour faire du commerce... et que les personnes âgées n'ont rien à vendre.

La perspective d'un déménagement rapide n'est réelle que pour Zinoviy Strelkov, le gestionnaire du village. En automne il aura son appartement à Krasnogorsk en tant que « vétéran du front du travail ».

Les villageois comptaient sur la région de Dolinsk. Il y a deux ans l'Administration de Dolinsk a signé avec l'Administration de Tomari un accord de coopération selon lequel les habitants d'Ainan devaient obtenir un appartement à Sokol. Cependant, comme nous l'avons découvert, l'Administration de Dolinsk n'a jamais fourni la liste des logements disponibles, ce qui fait qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils ont même développé un programme municipal intitulé « Logement de qualité pour la population dans les années 2015 - 2020 ».

« Le relogement des personnes habitant des logements reconnus comme insalubres au 1er janvier 2012 est prévu pour 2016-2017. A partir de 2018 nous allons commencer le relogement des habitations reconnues comme insalubres après le 1er janvier 2012 », - dit Natalia Koulikova, la présidente de la commission de gestion du parc immobilier du département de Tomari.

Les habitants d'Aïnsk ont déjà reçu une lettre spécifiant ces dates. Ils se posent cependant une question, à juste titre :

« Certes, mais vais-je vivre jusqu'en 2020 ? Rien n'est moins sûr, je suis de santé fragile - se plaint l'une des habitantes d'Aïnsk... ».

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Auteur: Olga Boudanova.

Traduit du russe par Irina Martinot.

Source: " Без аптеки и магазина - как выживает в транспортной блокаде сахалинское село ".

Publié dans ACTV.RU le 06 Juillet 2016.

Source Photo: ACTV.RU.